Contributeur et prosélyte : Bruno Cornec

IMG_4030Bonjour Bruno, peux-tu te présenter ? Quel est ton travail ? Tes centres d’intérêt ?

BC : Je m’appelle Bruno Cornec. Cela fait 13 ans que je travaille chez HP, chez qui j’ai de multiples casquettes. Mon travail actuel est celui d’architecte de technologie Open Source et Linux (OSL) dans un Centre de solutions européen où nous accueillons des clients qui cherchent de l’information sur nos offres lors d’ateliers permettant d’essayer diverses solutions concrètes. Parallèlement, je dirige « EMEA Open Source and Linux Professional » d’HP (Europe, Moyen Orient et Afrique) qui rassemble 1200 personnes intéressées par ces thèmes et impliquées dans la gouvernance de l’OSL.

Je suis souvent amené à faire des présentations un peu partout dans le monde sur divers thèmes lors d’évènements comme LinuxCon, Linux.conf.au, OWF, SolutionsLinux, etc.

En plus de l’informatique qui est mon travail et aussi un passe-temps, j’aime la musique classique en général et la musique ancienne en particulier. Je chante, je joue de la flûte et j’assiste souvent à des concerts. J’aime aussi la photographie et, bien sûr, prendre soin de ma famille et de mes trois enfants.

Tu es un contributeur de longue date à Mandriva puis maintenant à Mageia. Pourquoi ce choix, et pourquoi recommencer avec Mageia ?

BC : Je n’ai en réalité pas démarré avec Mandriva 😉 J’ai commencé à utiliser Linux en 1993 avec Slackware et le noyau 0.99pl14. Après quelques années à faire plus de compilation que d’usage de ma distribution, j’ai trouvé très pratique le concept de paquetage logiciel et j’ai rapidement adopté Red Hat après son lancement. Mais après quelques années passées à gérer manuellement les dépendances, je me suis rendu compte que Mandrake fournissait une élégante manière de résoudre mon problème avec urpmi, alors j’ai changé de nouveau pour l’adopter. Le passage à Mandriva était évident, puis le passage à Mageia était tout aussi évident pour moi dans la mesure où la communauté dirigeait le projet, ce que je trouvais précieux et plus proche de ce que je recherche dans le logiciel libre (FLOSS : free, libre and open source software). Et comme je fais beaucoup de choses, je pensais que si j’avais un peu de temps à consacrer à une distribution, ce devait être celle d’une communauté, basée sur RPM pour profiter de mon expérience (et pas RPM5 !), avec des gens sympathiques qui s’en occupaient, que je connaissais depuis des années et dont j’appréciais l’engagement et le travail.

Enfin, comme l’était celle de Mandriva, la communauté de Mageia est vraiment accueillante pour ses contributeurs.

Quelle est ta contribution à Mageia ?

BC : Je ne suis pas un contributeur majeur, mais j’essaie d’enrichir la distribution de façon à la rendre pleinement utilisable pour ce que j’ai à faire. Je réalise les paquets de mes projets principaux (MondoRescue et project-builder.org) ainsi que ceux d’outils que je trouve pratiques et qui ne sont pas encore packagés. Comme je fabrique des paquets et des dépôts pour d’autres distributions, j’ai ajouté des outils comme debootstrap, dpkg, createrepo, mrepo, yum. J’ai aussi ajouté des outils écrits par mes collègues de HP comme collectl ou netperf, et des outils bizarres dont j’ai toujours l’emploi comme uucp, lbdb, mirror. Et je mets à jour ceux que j’utilise au quotidien comme tellico (j’ai une énorme collection de CD de musique !).

J’ai également ajouté une page sur le wiki à propos de auto_inst, qui vient de Mandriva, et je l’ai adapté un peu pour Mageia. J’utilise beaucoup le déploiement automatique et je pense que c’est une fonctionnalité de Mageia qui mériterait d’être mieux connue (comme elle l’était pour Mandriva).

Tu as recemment participé au Linuxcon aux États-Unis et as animé une conférence sur Mageia. Pourquoi en as-tu parlé ? Quelles étaient les principales questions sur Mageia ?

BC : Je pense que la distribution manque un peu de communication, ce qui est normal du fait de la nature communautaire. Alors faire du bruit à propos d’elle et inviter les gens à la regarder et la comparer aux plus « connues » Fedora ou Ubuntu est un bon moyen d’attirer les utilisateurs qui basent le jugement sur la qualité du travail, une bonne intégration de KDE et LXDE (je ne peux pas faire de commentaire sur les autres que je n’utilise pas), de très bon outils de gestion des paquets et un assortiment d’applications, plutôt qu’uniquement sur la réputation.

Donc ma présentation, que vous êtes libres de réutiliser et améliorer pour vos propres conférences,  essayait de présenter ce qui est vraiment spécial à propos du travail accompli par cette communauté et de montrer la richesse de ses caractéristiques. Après tout, beaucoup de gens sont surpris que je m’en serve sur mon ordinateur portable professionnel, donc c’était un moyen de donner des réponses.

Dans la salle que j’avais, personne de connaissait la distribution, alors il y avait la possibilité d’attirer 15 personnes de plus. Mais en plus, c’était une opportunité unique de leur faire tous chanter Joyeux Anniversaire, comme c’était le troisième anniversaire du lancement de Mageia.

Pourquoi recommanderais-tu Mageia ?

BC: Pour la qualité de la communauté, à la fois d’un point de vue humain et sur la technique, les deux facteurs clés pour avoir un grand projet. Ensuite, je la recommanderais pour ses outils de gestion des paquetages (urpm*) et a qualité des paquetages réalisés, car j’ai rarement des problèmes moi-même (évidemment, lorsque j’en ai, je sais résoudre moi-même les problèmes,, ce qui est très important pour moi).

J’apprécie le fait que nous avons des packagers qui suivent de près les principaux logiciels et fournissent de nouvelles versions régulièrement, tout comme le cycle de vie raisonnable de Mageia, qui me permet de mettre à jour tous mes systèmes en gros une fois par an ; je peux ainsi profiter des dernières versions des applications.

J’apprécie le travail fait pour avoir le support matériel le plus complet possible. Avec le Centre de Contrôle de Mageia (CCM), il est si facile d’ajouter une imprimante HP que moi-même, un inconditionnel de la ligne de commande, je l’utilise exclusivement. La même chose pour le sans-fil et et les paquetages (le CCM est bien pour cela, même si là, j’utilise en général la ligne de commande). Kudos également pour l’intégration de systemd, même si je regrette réellement l’initialisation avec SystemV.

J’aime l’installeur, auto_inst avec une structure perl est remarquable, les différents noyaux fournis avec DKMS et des pilotes non-libres additionnels pour faciliter la vie des utilisateurs. J’aime aussi msec, que j’estime être un bon élément de différenciation en faveur de Mageia.

Mageia est aussi une bonne plateforme pour les serveurs et les développeurs, et pas uniquement pour les utilisateurs cherchant un environnement de bureau alternatif. Tous mes serveurs personnels et professionnels utilisent Mageia, et tous mes projets amont sont développés avec également !

As-tu un conseil en terme d’objectifs, d’organisation… ?

BC: J’estime que nous avons besoin de packagers en plus grand nombre pour répartir la charge de travail. Certains contribuent énormément et s’occupent des centaines de paquetages. Comme il y a toujours plus de nouveautés (OpenStack, oVirt, Hadoop, iTop, …), nous avons besoin de plus de mains pour maintenir le niveau atteint jusqu’à maintenant. Ainsi, une campagne de recrutement serait bénéfique.

En outre, des ambassadeurs de Mageia seraient utiles pour promouvoir la distribution, augmenter son usage et recruter de nouveaux contributeurs pour l’empaquetage, l’écriture, la conception graphique…

Comme objectif général, rien de moins que la domination du monde 😉

Tu travailles au sein d’un grand fabricant de matériel informatique, quel est sa position par rapport à la multitude des distributions Linux et en particulier celles soutenues par une communauté ?

BC: Je pense que HP travaille comme de nombreux autres fabricants de matériel : pour que notre matériel fonctionne sans accrocs avec Linux, nous travaillons avec la communauté du noyau pour avoir tous les pilotes gérés à la base. Comme chaque distribution intègre le travail du noyau, elle fonctionne sortie de la boîte sur nos plateformes. Et la multiplicité des distributions ne pose pas de problème. Bien sûr, nous ne supportons pas directement les distributions, mais la communauté a toutes les sources pour le faire. Et certaines distributions des plus demandées par nos clients finissent par être supportées, telles que Ubuntu sur nos serveurs très récemment.

Pour HP, ce mode de fonctionnement s’applique aux serveurs, aux imprimantes, aux ordinateurs de bureau et portables professionnels, alors que pour les machines grand public, il est plus difficile de suivre le rythme de changement rapide des  composants et du fait d’un nombre plus faible de demandes en versions Linux.

Comment vois-tu le futur de Linux, à la fois du côté serveur et bureau ?

BC : Et bien, depuis 1995 je pense qu’il n’y a pas d’autre voie que Linue pour l’informatique ! Bien sur, ça a pris un peu plus de temps aux autres de réaliser que j’avais raison. Mais du côté serveur, HP en vend aujourd’hui au moins 25% avec Linux, et ça va encore augmenter avec l’adoption de solutions basées sur le Cloud qui sont presque toutes basées sur Linux.  Même scénario pour les nouvelles tendances pour la gestion de données et toutes les solutions liées au framework Hadoop. Pour les serveurs, je vois même de plus en plus de clients venant des solutions classiques de centres de données (telles que les RDBMS, systèmes de gestion de bases de données relationnelles) adopter Linux. À ce niveau, le futur est sans aucun doute prometteur, tout comme l’est déjà le présent.

Côté bureautique, je suis entièrement d’accord avec ce que Linus Torvald a dit lors de la LinuxCon d’Édimbourg. J’ai aussi parlé à tout le monde de l’« année de Linux pour l’ordinateur de bureau », et je me suis trompé. En contrepartie, Linux est désormais utilisé sur de nombreux produits du marché (téléphones, tablettes, périphériques intégrés), il y a donc bien eu une évolution de cette part du marché, mais la plupart des utilisateurs n’en sont pas conscient.

Cependant, je suis déçu par le manque de passages à Linux pour les ordinateurs de bureaux et les portables. Je pense, l’ayant utilisé tous les jours pendant les 18 dernières années pour faire tout ce que j’ai besoin de faire avec un ordinateur, que nous avons des solutions matures, de très bons logiciels (Digikam est simplement fantastique et tellement simple de prise en main pour un photographe amateur comme moi, ou Tellico pour un fan de CD) et l’ouverture d’esprit pour interagir avec tout. Il nous faut montrer notre utilisation de Linux au quotidien à plus de monde, et faire la démonstration de ce qu’il est possible de faire. Bien sur, être libre requière toujours un peu plus d’investissement personnel que de suivre les tendances Mac ou Windows, mais cela vaut le coup. Je ne pourrais pas vivre sans avoir la possibilité de changer ce que je veux et quand je le veux, sur mon ordinateur. Ce n’est même plus ce que les utilisateurs finaux recherchent aujourd’hui ; ils devraient passer le cap sans peur, mais plutôt avec enthousiasme et redécouvrir le plaisir de l’informatique.

Et Mageia fait clairement partie du jeu pour ce qui est de ses fortes capacités informatiques et du plaisir de la bidouille !

Merci Bruno pour ta disponibilité et à bientôt sur la liste de discussion de développement de Mageia !

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